Le 24 octobre 2023, après un débat parlementaire express qui n’aura pas laissé de temps à un véritable débat d’idées, la loi pour une Industrie verte proposée par le gouvernement a été promulguée. Lors du vote des députés à l’Assemblée nationale quelques semaines plus tôt, je me suis opposé à ce texte car j’estime qu’il est une terrible occasion manquée d’adresser les enjeux sociaux et environnementaux auxquels est confrontée aujourd’hui l’industrie en France.

Pourtant, les constats énoncés dans ce texte de loi, nous les partageons : 2,5 millions d’emplois industriels ont été détruits ces cinquante dernières années, et la part de l’industrie dans la richesse nationale a été divisée par deux (passant de 22 % à 11 % du PIB). Derrière ces chiffres, ce sont de nombreux emplois qui ont disparu ou ont été délocalisés, et autant de drames individuels pour les salariés qui ont vu leurs usines fermer leurs portes. Avec 18 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre nationales, l’impact du secteur industriel sur le réchauffement climatique est également très problématique, et il y a urgence à agir pour le limiter.

Pour un changement de paradigme

A l’occasion de ce débat parlementaire, nous avons proposé de nombreuses solutions et tenté de dessiner les contours de ce que serait une réindustrialisation… réellement verte. En tant que chef de fil des écologistes, j’ai travaillé avec des économistes, des élus, des associations et des citoyens engagés, pour rédiger un manifeste qui donne des pistes d’actions pour relocaliser, reterritorialiser notre industrie à l’heure du réchauffement climatique, tout en prenant soin des emplois et de la santé, mais aussi du sols, de l’air, de l’eau. Autant de ressources qu’il faut préserver.

Partout en France, des industriels questionnent leur modèle de production pour produire moins et mieux ; des élus s’engagent en accompagnant la transformation de leur propre territoire, en intégrant la notion des limites planétaires dans les choix industriels tout en préservant ou créant des emplois, mais aussi d’encourager de nouvelles filières. Ils prennent ainsi en compte les multiples enjeux écologiques et sociaux d’une industrie verte que nous mettons en exergue dans ce manifeste : adapter la production industrielle à nos réels besoins et questionner nos modes de consommation, faire une réindustrialisation concertée avec les habitants et tous les acteurs locaux, et en particulier les salariés, poser la question du bien-être au travail et de la pollution… Bref, ils envisagent et anticipent un véritable changement de paradigme. Et démontrent aussi qu’un verdissement de l’industrie existante peut être efficace !

Toujours produire sans limite…

Cette voie empruntée par des précurseurs partout en France, ce n’est malheureusement pas la voie qu’a choisie l’Etat. Que propose le gouvernement dans sa stratégie Industrie verte ? Faciliter les implantations d’usines et stimuler une réindustrialisation « décarbonée ». En somme, accélérer les procédures, accélérer notre compétitivité, accélérer les investissements pour rester dans la course effrénée et mondiale au productivisme… Cette loi pour une industrie « décarbonnée » ne prend pas en compte les enjeux écologiques, bien qu’elle cherche à valoriser les technologies vertes. Je ne crois pas que le développement continu de notre production puisse être notre unique horizon. Sans une boussole écologique et sociale, où allons-nous ? Où va l’industrie ?

Pour écrire une nouvelle page de notre histoire industrielle, j’ai décidé de poursuivre mon travail de terrain, en allant voir partout en France, les acteurs du changement, les chevilles ouvrières de la transition, qui prennent en compte la vulnérabilité du vivant et les limites matérielles de la planète, et cherchent une prospérité nouvelle et surtout collective. Fin 2023, j’entame un Tour de France de l’industrie réellement verte qui se poursuivra durant toute l’année 2024 et sera constitué de visites et de temps d’échanges avec entrepreneurs et salariés, élus, chercheurs, innovateurs, associations et habitants des territoires concernés. Première étape : le Grand Est et la Meurthe-et-Moselle.

Cette tournée a pour vocation de montrer les logiques industrielles et économiques propres à chaque territoire et à valoriser les projets qui fonctionnent, tout comme les enjeux pour réussir les transitions. Il met en évidence les marches à franchir ainsi que les solutions existantes sur le terrain. Il est résolument tourné vers la coopération territoriale pour forger l’industrie du futur !