Le Parlement de circonscription s’est réuni ce samedi 10 juin pour la quatrième et dernière session de sa première année d’expérimentation.

 

Après le traditionnel mot de bienvenue de la présidente du Parlement, Marie Quinton, les citoyens ont rejoint leurs commissions respectives afin de finaliser le travail débuté collectivement en janvier dernier. La matinée fut studieuse et riche en débats. Après avoir défini leurs objectifs et la forme finale à donner à leurs travaux, les citoyens se sont attelés à un complexe travail d’écriture collective.

 

La pause repas du midi a été ponctuée d’une animation. Les citoyens ont signé de leur nom la banderole du Parlement de circonscription, inscrivant ainsi dans le temps leur implication dans cette expérimentation unique en France.

À l’issue de cette journée, les commissions ont présenté le fruit de leur travail qui a été amendé et voté par les membres du Parlement, réunis en plénière. Ces travaux ont pris différentes formes en fonction des choix opérés par les commissions. Les commissions Reprendre confiance dans la démocratie et Lutter contre la pauvreté ont réalisé des exposés des motifs, la commission Transformer l’économie a établi une définition de l’Industrie verte ainsi qu’une liste de critères d’éligibilité, la commission Défendre une écologie équitable a écrit un manifeste et la commission Promouvoir l’égalité et lutter contre les discriminations a proposé des mesures pour amender le projet de loi Asile Immigration.

La commission REPRENDRE CONFIANCE DANS LA DÉMOCRATIE a travaillé sur une proposition de loi reprenant le travail des élève de CM2 de l’école Gustave Flaubert de Tours 

Le Parlement de circonscription de Tours a souhaité travailler sur des mesures destinées à redonner confiance dans la démocratie. Pour cela, la commission s’est inspirée du travail réalisé par les élèves de CM2 d’une classe de l’école primaire Gustave Flaubert dans le cadre du Parlement des enfants. Constatant la désaffection des citoyens pour l’activités de leur député, et plus largement pour la chose publique, il semble indispensable que le député créé un dialogue avec les citoyens de sa circonscription.

 

En ce sens, l’article 1 prévoit l’obligation de rendre compte de ses travaux, d’informer les citoyens, de répondre à leurs questions et de les associer à son action parlementaire. Cette obligation doit prendre la forme de réunions suffisamment fréquentes dans des lieux répondant à des critères d’accessibilité et de proximité.  Pour rendre efficient l’article précédent, des relais d’informations doivent être créés de façon à ce que l’ensemble des citoyens soient bien informés. Ainsi, l’article 2 prévoit entre autre l’instauration d’une obligation pour les médias nationaux de relayer l’action parlementaire. Pour garantir la connaissance et la compréhension des activités des députés, l’article 3 prévoit l’instauration des temps d’information de proximité pour enseigner l’utilisation des outils de partage d’information (dont les outils numériques,, les médias, les plateforme d’échange d’informations, etc.) et acculturer à la chose publique. Ces formations font l’objet d’appel à projets financés à destination des centres sociaux et des associations d’éducation populaire en capacité d’assurer un lien social. Pour finir, et afin de garantir l’effectivité des dispositions de la présente proposition de loi, l’article 4 prévoit des sanctions à l’encontre des députés d’une part, des médias d’autre part lorsqu’ils ne respectent pas les dispositions susmentionnées.

 

Cet exposé des motifs a été discuté et amendé en plénière

 

Le première question débattue en plénière a était celle des sources. Il a été décidé de ne pas citer les enquêtes commandées par l’Assemblée Nationale mais plutôt le travail réalisé par les élèves de l’école Gustave Flaubert. On a également souligné le fait qu’il n’était pas fait mention du budget dont il faudrait rendre compte. Des précisions ont été demandées sur ce que l’on entendait par « accessibilité ». Ensuite les membres du Parlement ont abordé la mention des médias dans le texte et ont interrogé le principe de l’obligation faite aux médias, ainsi que la faisabilité d’une telle proposition pour les médias nationaux (il y a 577 députés). Il a été déterminé que le sujet était davantage celui de la façon dont est fabriquée l’information. On a suggéré d’étendre la couverture de la campagne présidentielle et le respect des temps de parole. De même, cette question soulève le problème du positionnement par rapport au libéralisme. L’idée étant que l’ajout de contraintes ne permettront pas nécessairement de résoudre le problème. Sur l’appel à projet ensuite, les membres du Parlement préfèrent évoquer la subvention au fonctionnement. Enfin il a été reproché au texte son caractère punitif et l’approche du modèle répressif. On a proposé la mise en place d’une phase éducative avant la phase contraignante qui se traduirait par l’instauration d’un lapse de temps pour adapter son comportement.

 

La commission TRANSFORMER L’ÉCONOMIE a réalisé une définition de l’Industrie verte et a établi une liste de critères d’éligibilité.

L’Industrie verte se définit comme une activité économique qui combine des facteurs de production et qui nécessite des savoirs et des techniques pour produire des biens matériels et qui intègre des critères répartis en quatre volets : Démocratie interne/ égalité avec des critères de gouvernance démocratique, de partage de la valeur ou encore de transparence dans les modes de gestion et les financements, Démocratie externe/ territoires avec la participation des territoires et des citoyens à l’établissement d’un diagnostic préalable des ressources naturelles, de la définition des besoins, de l’activité ou encore du lieu d’implantation, Sobriété/ respect des limites planétaires avec des critères d’utilisation d’énergies renouvelables décarbonées, d’utilisation raisonnée des ressources naturelles et d’une consommation limitée du foncier, Recyclage/ économie circulaire avec des critères de respect de la durabilité du produit garanti ou encore l’application des normes environnementales et sociales supranationales strictes.

 

Ces critères devront conditionner tout investissement public et privé dans l’industrie et doivent servir à l’élaboration d’un référentiel strict en matière environnemental et sociale. Ils feront l’objet d’un contrôle annuel d’une commission citoyenne qui sera garante du respect du cahier des charges.

 

Cette définition et cette liste de critères ont été discutés et amendés en plénière

 

Les propositions de la commission Transformer l’économie ont donné lieu à de nombreuses propositions et observations du collège de citoyens. La première proposition est relative à l’instauration d’un renseignement systématique par les entreprises auprès d’éco-organismes concernant le recyclage. Dans le même ordre d’idée, les citoyens ont formulé la volonté de rendre les entreprises responsables des bouteilles plastiques qu’elles génèrent, à l’image des filières REP (prévues par la loi Agec). Sur le principe « d’une voix une personne » et tenant compte des rapports de forces existants, les participants ont demandé l’ajout de la précision que les salariés ont certes une voix mais qu’ils participent également à la prise de décision au sein de l’entreprise. Ils ont également suggéré d’ajouter le condition de l’écologie industrielle et territoriale (EIT) à la liste de critères, afin d’accompagner la transition d’une cohésion territoriale. S’agissant du BTP certains ont soulevé la question des friches une fois le terrain revenu à la normale. D’autres encore ont demandé des précisions relatives à la prévision d’un critère d’égalité homme femme. Si la mention du partage de la valeur a été saluée, les membres ont demandé à ce qu’elle se matérialise par l’accroissement du salaire de base qui doit être ajouté au texte. L’utilisation du terme de « sobriété énergétique » a également interpelé. Certains y ont vu un contresens. L’aspect international de la question n’a pas été oublié par ailleurs, loin de là. Les citoyens se sont interrogés sur la manière de réaliser efficacement des contrôle par rapport aux sous-traitants étrangers. Sur la question de la pollution, ils ont réfléchi à des façons d’obliger les grandes entreprises (à l’image de Total), à respecter les normes environnementales à l’étranger comme en France. Ces interrogations posent aussi celle du chantage à l’emploi qui fait souvent pression pour empêcher ce genre d’initiatives. De même, certains ont émis l’idée d’interdire clairement l’exportation des déchets français à l’étranger. Sur un aspect un peu plus juridique, les membres du Parlement de circonscription ont demandé à ce que le respect des normes européennes sur la production des produits dangereux à mettre sur le marché soient également une condition de l’Industrie verte. Sur cet enjeu, Charles Fournier a préconiser de réutiliser certains éléments de la taxonomie européenne. Enfin, les citoyens ont demandé que soit préciser que l’entreprise qui souhaite se prévaloir de l’étiquette Industrie verte doit obligatoirement recruter quelqu’un de compétent dans ce domaine.

La commission PROMOUVOIR L’ÉGALITÉ ET LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS a proposé des mesures sur la question des mineurs non accompagnés pour amender le projet de loi Asile Immigration

 

La commission propose trois grandes mesures. Nous proposons, pour remédier à la précarité sociale des enfants, d’inscrire la présomption de minorité dans la loi, c’est à dire que toute personne étrangère se déclarant mineure soit traitée comme telle jusqu’à la décision judiciaire rendue en dernier ressort, et épuisement des recours. Cette proposition vise à considérer les Mineurs non-accompagnés comme des enfants avant d’être considérés comme des étrangers et se conformer ainsi à la Convention Internationale des Droits de l’Enfant ratifiée par la France en 1990.

 

S’agissant de l’accès aux droits, pour améliorer l’égalité de traitement entre les enfants, nous proposons une accélération des procédures d’évaluation et d’orientation scolaire, avec une évaluation qui doit intervenir dès l’accueil provisoire d’urgence, avec une priorité donnée à l’apprentissage de la langue française. De même, les droits à une protection maladie universelle complète doivent systématiquement être ouverts dès l’accueil provisoire d’urgence, avec renouvellement et maintien des droits jusqu’à ce qu’une décision de judiciaire définitive statue sur l’admission dans les dispositifs de la protection de l’enfance.

 

L’Aide Médicale d’État (AME) ne doit pas seulement être sauvée, elle doit être améliorée. Nous proposons son extension pour se mettre en conformité avec ces textes internationaux. Ainsi la gamme de soins qu’elle recouvre serait étendue à tous les soins dont peuvent bénéficier les personnes de droit commun. Il faut également rendre plus visible les démarches d’accès aux soins et rendre obligatoire un entretien médical au début des démarches de régularisation. Enfin, nous pensons que cette politique publique doit être prise sous le prisme de la santé publique et de la prévention, sans différenciation liée à la situation administrative, et donc rattachée au Ministère de la Santé avec les crédits correspondants.

 

Ces mesures ont été discutées et amendées en plénière

 

Il a d’abord été proposé de traiter de la question des mineurs en règle générale et non seulement des mineurs non accompagnés. Ensuite les membres du Parlement ont suggéré que le statut de mineur non accompagné soit étendu au-delà de l’âge de 21 ans. D’autres ont alerté sur le fait que cet état de fait résultait d’une volonté du département d’Indre-et-Loire et qu’ailleurs, elle était prolongée passé 21 ans.

La commission DÉFENDRE UNE ÉCOLOGIE ÉQUITABLE a rédigé un manifeste sur la Sécurité Sociale de l’Alimentation (SSA).
La commission constate que la situation de précarité alimentaire s’aggrave et nos associations et structures d’aides alimentaires ne sont pas des recours suffisant aujourd’hui pour répondre à la demande. La malnutrition touche une grande part de la population et le modèle actuel d’aide alimentaire ne pali pas cette problématique. Le droit à l’alimentation doit permettre de combattre la précarisation de la population, en complément direct avec les droits fondamentaux du logement et de l’emploi. La qualité de l’alimentation est un point fondamental pour permettre une alimentation saine pour la santé humaine et une agriculture soucieuse de l’environnement. Le seul moyen durable pour mettre en place la SSA est une organisation démocratique. La gouvernance se déclinera en comité local, permettant à chaque territoire de décider en fonction des caractéristiques locales, des acteurs en présence et des besoins des citoyens. Le caractère universel est essentiel, pour lutter contre les discriminations et la stigmatisation des personnes. La réussite et l’acceptation de la SSA passera également par politique d’éducation à l’alimentation.

Le manifeste a été discuté et amendé en plénière

D’emblée, le débat a porté sur l’importance d’une alimentation saine et de la bonne cuisine. Cette question s’est rattaché à l’enfance et à la possibilité d’instaurer des cours de cuisine à l’école. Ensuite une remarque a relevé que les chiffres établis se limitaient aux données relatives à la Banque alimentaire. Or en élargissant ils devraient plutôt avoisiner les 6 millions. Sur un autre sujet, le focus réalisé sur les gaz à effet de serre a interpellé certains membre qui ont rappelé que l’impact de l’agriculture conventionnelle ne se limite pas à l’émission de gaz à effets de serre. L’échelle nationale adoptée par le manifeste a convaincu, partant du constat que l’aide alimentaire repose sur des associations et des communes et que les petites communes se trouvent en difficulté de ce fait. Un point de vigilance a été soulevé car une partie du texte semblait similaire au discours tenu par la FNSEA. Les membres de la commission ont répondu par la volonté d’accompagner également les agriculteurs en phase de transition qu’il faut aussi inclure dans un éventuel dispositif. Le mot garantie également a été discuté en rappelant que tout le monde ne mange pas à sa faim. En ce sens, il a également été rappelé que la vocation des agriculteurs est de garantir que tout le monde puisse manger correctement. Les membres du Parlement ont par ailleurs signifié leur volonté d’aller à l’encontre de l’idéologie de l’extrême droite qui inclue systématiquement le localisme, à l’exact opposé de l’élargissement prôné. Enfin, il a été demandé d’inclure un paragraphe sur l’éducation à la « bonne cuisine ».

La commission LUTTER CONTRE LA PAUVRETÉ a réalisé un exposé des motifs sur un Revenu d’émancipation Jeune (REJ).

Depuis des années, il existe en France une précarité structurelle de la Jeunesse. Celle-ci s’est récemment aggravée et a été révélée au grand public du fait de la crise sanitaire et de l’inflation. Les jeunes de 16 à 28 ans concentrent de multiples précarités alors que leur situation spécifique n’est à ce jour pas traitée convenablement. Ces précarités s’illustrent et affectent tous les compartiments de la vie quotidienne. Afin de permettre à la jeunesse de ce pays de vivre dignement, il nous faut mettre en place un revenu d’émancipation jeune. Substituer la solidarité familiale par la solidarité nationale. Ce revenu consiste en l’assurance pour chaque jeune, de 16 à 28 ans, la garantie d’une somme d’argent égale au seuil de pauvreté et indexée sur l’inflation. Il doit être intouchable, universel, et cumulable avec d’autres droits. Ce revenu sera versé automatiquement à chaque jeune et prendra fin soit à 28 ans soit lorsque le bénéficiaire accèdera à des conditions de vie suffisante.

Cet exposé des motifs a été discuté et amendé en plénière

Les membres du Parlement de circonscription ont commencé par relever que la formulation « 12% des étudiants issus des milieux ouvriers » avait tendance à suggérer qu’être jeune ne revenait qu’à être étudiant ou en formation. Or c’est oublier ceux qui travaillent depuis l’âge de 16 ans. La commission Lutter contre la pauvreté a répondu qu’elle prévoyait que tant que ces jeunes n’auront pas un CDI à temps plein, les jeunes en emploi seraient aussi éligible au revenu d’émancipation jeune. La mention « ou en emploi précaire » a donc était ajoutée au texte initial. Un second problème a été soulevé. Le revenu d’émancipation jeune n’est pas un revenu universel. Or que faire si passé 28 ans on n’est pas sorti de cette précarité ? Les membres rappellent qu’avec ce qui leur est proposé, on retomberait ensuite dans le RSA classique. Enfin les citoyens du Parlement de circonscription ont enjoint à la vigilance en interrogeant le risque qu’ainsi, les jeunes qui ont déjà un salaire soient utilisés, par le biais du stage par exemple, et ne soient pas payés comme ils devraient l’être. Ils concluent engageant à interroger le système tout entier plutôt que de « mettre un pansement ».