Récit de mes rencontres locales pour nourrir ma réflexion sur le sujet.

Le gouvernement a ouvert, en décembre 2022, une convention citoyenne sur la fin de vie. L’assemblée citoyenne des 185 citoyens tirés au sort doit répondre à la question suivante : “Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ?”. Emmanuel Macron s’est engagé à soumettre au Parlement ou aux Français, par voie référendum, “le choix d’aller au bout du chemin qui sera préconisé” par la convention citoyenne sur la fin de vie. Elisabeth Borne a diminué l’intention en disant que “les conclusions de la convention citoyenne recueillies par le CESE serviront à éclairer le gouvernement”. 

 

Cet exercice démocratique me semble intéressant pour apporter un éclairage et un état des lieux permettant un débat serein et non idéologique. Étant moi-même amené à me positionner au sein de l’hémicycle sur l’évolution de la législation, j’ai voulu aller à la rencontre directe des professionnels et des personnes concernées. De telles décisions ne peuvent être prises sans que ma réflexion soit étayée par les apports de celles et ceux qui vivent le sujet : professionnels mais aussi familles qui ont été concernées. . Pour cela j’ai fait 3 visites sur mon territoire : 

  • à l’EHPAD La Source, le 18 novembre ;
  • auprès de l’équipe mobile de soins palliatifs du CHRU Bretonneau, le 13 janvier ;
  • au pôle Léonard de Vinci auprès de l’association de soignants Histoires de Vies, le 3 février. 

Petit rappel du cadre législatif de la fin de vie en France

  • Loi Kouchner, 1999 :  Garantit l’accès pour tous aux soins palliatifs.
  • Loi Claeys-Leonetti, 2016 : Ouvre le droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès + directives anticipées. 
  • Avis du comité consultatif d’éthique, sept 2022 : Propose la dépénalisation d’une aide active à mourir strictement encadrée et appelle “avant toute réforme” à “une accélération” du développement des soins palliatifs, en France. 

Ehpad La source 

Ma visite à l’Ehpad La Source avait été préparée avec engagement par la directrice Mme Nathalie PERCHOC et son équipe. J’ai pu échanger avec les professionnel.le.s, les résident.e.s et les représentant.e.s des familles. Nous avons pu ainsi aborder l’ensemble des sujets de préoccupation quant au grand âge ; tant les enjeux sociaux, médicaux et financiers pour les EHPAD et celles et ceux qui les font vivre. Nous étions ici dans une structure associative avec des réalités différentes de celles en gestion publique ou en gestion par des entreprises privées. J’y ai rencontré une équipe soudée, impliquée et soucieuse de la qualité du service rendu. 

 

La question du “bien vieillir” résonne tout particulièrement à l’aune du débat sur les retraites. Nous devons offrir à nos aînés une retraite en bonne santé. L’accompagnement médical, social et psychologique dispensé dans les établissements accueillant des personnes âgées doit être une richesse d’avantage mise en avant dans notre société. A domicile, à l’hôpital comme en maison de retraite, chacun doit avoir un égal accès à un accompagnement pluridisciplinaire selon ses besoins.

Equipe Mobile soins palliatifs – CHRU Bretonneau

Poursuivant mes visites sur le territoire, je me suis rendu à l’hôpital Bretonneau pour rencontrer l’équipe mobile de soins palliatifs. J’ai échangé longuement avec les professionnel.le.s de santé pour comprendre la complexité de leur exercice et l’accompagnement qu’ils apportent auprès des autres professionnel.le.s de santé confrontés à des problématiques de soins palliatifs. Le soulagement de la douleur et l’accompagnement des proches sont centraux dans les réflexions menées par l’équipe. Elle dispense aussi des formations pour partager son expérience au sein de l’hôpital ainsi qu’à des unités de soins extérieurs. J’ai pu enfiler une blouse de stagiaire pour assister à un staff en oncologie. Cette immersion dans la vie d’un service hospitalier m’a plongé dans des situations très concrètes de réflexion éthique. A l’aune de la Convention Citoyenne sur la Fin de Vie, je voulais comprendre la réalité de terrain et les situations rencontrées par les professionnel.le.s de santé pour m’écarter des débats qui peuvent devenir trop binaires. Un grand merci au docteur Chaumier et à son équipe pour l’accueil ainsi qu’au CHRU-Tours, pour le temps consacré, pour la qualité pédagogique de cette visite et pour le professionnalisme que j’ai pu mesurer très concrètement.

 

 Lors de cette visite j’ai appris beaucoup. Je retiens notamment l’importance de la pluridisciplinarité et l’intérêt des soins palliatifs vue davantage comme une philosophie de soins pouvant s’appliquer à tous les services hospitaliers plus que les seuls soins de fin de vie, auxquels ils sont souvent réduits. L’existence d’une telle équipe, moins soumise aux contingences de l’urgence, est précieuse pour prendre les bonnes décisions, pour accompagner les différents services tant dans l’hôpital qu’à l’extérieur, pour offrir un formation et faire un travail de recherche. Ainsi, pendant la crise COVID, cette équipe a conservé son rôle et sa position, cela s’est avéré très important pour faire face à une crise d’ampleur et en tirer les enseignements nécessaires. 

Je garde en tête également l’importance de la continuité des soins entre hôpital et domicile permettant de répondre davantage aux situations de douleurs aiguës. La prise en charge des patients doit se faire de manière globale et nécessite donc un travail transversal et collectif entre les professionnel.le.s de santé. 

Histoires de vies – association de soins palliatifs – Pôle Léonard de Vinci

Pour finir, je suis allé à la rencontre des professionnel.le.s de santé dans le service de soins palliatifs du Pôle santé Léonard de Vinci. A l’initiative des soignant.e.s, l’association Histoires de Vies s’est montée afin d’accroître le confort et l’accueil des patients au sein du service, aider à la formation des soignant.e.s mais aussi afin de développer la culture palliative. A l’aide de dons, l’association a pu investir dans différents matériels pour améliorer le quotidien du service ; huiles essentielles, cafetière, postes de musique, aménagement d’un salon pour les familles, matériel de balnéothérapie, etc. L’association est en partenariat avec différents professionnels extérieurs ; danseuses, musiciens, art-thérapeute et socio-esthéticienne. Toutes ces prestations permettent de créer un cadre de confort pour les patients. Certains ont pu retrouver des facultés motrices avec les danseuses, alors qu’ils étaient alités. Certains retrouvent les paroles d’une chanson aux côtés des musiciens, alors même que la mémoire leur était déficiente. La considération et l’attention donnée sont ici au cœur de l’activité du service. J’ai pu sentir une réelle ambiance d’équipe autour du docteur Urena et un vrai amour de leur métier. D’ailleurs la plupart du personnel soignant est là depuis la création du service. On observe très peu de turn-over, comme cela peut être le cas dans d’autres secteurs médicaux. 

 

Mr X a témoigné du départ de sa femme suite à la maladie de Charcot. Sa décision d’en finir et de partir à l’étranger pour mettre fin à sa vie, puis la complexité de leur réflexion à deux pour que chacun puisse vivre cette fin de vie dans les meilleures conditions. Mr X m’a témoigné de l’accompagnement de l’équipe de soins palliatifs. Il qualifie même le passage de sa femme dans le service comme un “séjour de bien-être” et une aide au quotidien. Il dit avoir vu sa compagne partir dans une grande sérénité, lorsqu’ils ont décidé d’enclencher une sédation profonde. La prise en charge des souffrances psychologiques du patient mais aussi des aidants est primordiale pour accompagner les personnes dans le processus de la fin de vie. Les soignant.e.s m’ont dit recevoir peu de demandes d’euthanasie ou alors en début de prise en charge. Ces demandes s’évanouissent bien souvent au fur et à mesure de l’accompagnement global de la personne et de son entourage. 

De toutes ces visites je retiens l’importance de garantir un système de santé complet pour tous et notamment pour les personnes âgées, avec un accent mis sur l’accompagnement des personnes à domicile qui devient de plus en plus rare. Je retiens l’importance d’accompagner les personnes dans leur intégralité ; physique, psychologique et sociale. Je retiens l’importance de diffuser la culture palliative pour en faire une référence dans le domaine de la prise en charge de la douleur. Enfin, sur la question soumise à la convention citoyenne sur la fin de vie, ma position s’affine, éclairée également des premiers résultats des travaux de cette convention . Si je suis favorable à l’extension des droits quant à la fin de vie, je reconsidère la trop grande binarité des réponses au sujet posé (pour ou contre). Elle pose profondément la question de l’organisation des soins, de l’accompagnement des patients et de leurs familles pour une décision éclairée, celle-ci pouvant évoluer avec l’appui des services de soins palliatifs. En arrivant dans un tel service, il est proposé aux patients et leur famille, un projet de soins et non juste un accompagnement vers la mort. Cela donne force à la vie quelque soit l’issue. Il me semble indispensable que cette culture des soins palliatifs se diffuse bien plus largement auprès bien entendu des professionnels (dans le public comme en libéral) mais aussi auprès de la population. Il est également nécessaire de renforcer l’offre de soins palliatifs, mobiles ou non, qui sont aujourd’hui numériquement trop faibles pour répondre à la demande. Ils sont également inégalement répartis dans les territoires et c’est un réel enjeu d’égalité des territoires.