« En mai 2023, le gouvernement présentait son projet de loi pour une industrie verte. Toujours plus compétitive, l’industrie désirée par le gouvernement n’a de vert que le nom… Dans cette loi finalement adoptée en octobre, aucune mention des ressources limitées de notre monde, aucune prise en compte des salarié·es sur le dos desquels repose pourtant l’appareil productif… Le gouvernement semble en fait davantage préoccupé par le climat des affaires que par la transformation sociale et écologique de notre avenir économique.
Cette loi envoie plusieurs messages aux investisseurs : « Ici, vous trouverez du foncier, peu importe la protection de nos terres agricoles et de la biodiversité. L’argent coulera à flot sans contrepartie. » Malgré l’affichage d’une volonté de décarbonation et le soutien aveugle aux technologies vertes, l’ambition de ce texte est l’accélération des procédures… pour accélérer notre compétitivité et les investissements, dans une course effrénée et mondiale au productivisme. Pourtant, nous partageons le constat : oui, la réindustrialisation est nécessaire pour répondre tant aux enjeux économiques que sociaux et écologiques. Les dégâts de la désindustrialisation sont majeurs et leurs traces visibles. La disparition de nos usines n’a pas seulement laissé place à des friches industrielles, elle a aussi marqué durablement nos modes de consommation, désorganisé nos territoires et déstructuré notre corps social, nourrissant le sentiment de relégation et d’abandon d’une part de nos concitoyens. Engager la réindustrialisation, c’est à la fois construire une perspective mais c’est aussi l’occasion de revenir sur cette histoire, d’en tirer les enseignements pour que le nouveau modèle que nous allons construire soit soutenable et souhaitable.
Ainsi, nous pensons que le développement continu de notre production, reposant sur une logique de l’offre, ne peut être notre unique horizon. Cette croissance verte pour laquelle le gouvernement déploie tant d’énergie est un leurre. Sans une boussole écologique et sociale, sans réorienter l’idée même de prospérité en lui associant des objectifs de protection du vivant et de satisfaction des besoins sociaux, où allons-nous ? Quelle sera l’industrie dans le monde de demain sans qualité retrouvée du travail, sans progrès démocratique dans les usines, sans sobriété juste, sans préoccupation de l’égalité des territoires ?
Cette réindustrialisation doit reposer sur une planification et une ambition claire, une méthode et des moyens associés. Mais elle ne saurait être pensée que d’en haut, faisant des territoires les paysages des futures méga-usines que nous aurions arrachées à Tesla ou à toute autre firme mondialisée. C’est une planification démocratique que nous appelons de nos vœux, associant toutes les parties prenantes à la réinvention de « la vie avec des usines ». Car ce retour des usines invite à repenser le métabolisme économique de nos territoires. L’économie est une affaire de flux : les flux entrants des matières premières et de ressources que nous devons réduire et relocaliser ; les flux sortants que nous devons aussi réduire comme les émissions de gaz à effet de serre ou les déchets. C’est aussi une affaire de stock de ressources et de produits réutilisables, de bâtiments « réhabilitables et mutualisables ». L’organisatioon de ces flux et la gestion de ces stocks sont au cœur d’une nouvelle approche de l’industrie. Cette vie avec les usines invite aussi à se préoccuper de la vie des salariés, leur logement, leur déplacement, leur alimentation… Mais elle questionne également le respect des habitants en réduisant les nuisances subies et en renforçant l’intérêt local, que ce soit en termes d’emplois, de nouveaux services ou par un réel partage de la valeur ajoutée.
À l’occasion du débat parlementaire sur cette Loi dite Industrie verte, nous avons proposé de nombreuses solutions et tenté de dessiner les contours de ce que serait une réindustrialisation… réellement verte, démocratique et coopérative. En tant que chef de le des écologistes à l’Assemblée nationale, j’ai travaillé avec des économistes, des députés et des élus des collectivités, des associations, des étudiants ou encore avec des citoyens engagés, à la rédaction d’un manifeste qui donne des pistes d’actions pour relocaliser, reterritorialiser notre industrie, en prenant soin des emplois et de la santé humaine mais aussi du sol, de l’air, de l’eau et plus largement du vivant.
Ces propositions n’ont pas été entendues et la loi a été adoptée sans nos voix. Mais le sujet est loin d’être épuisé. Je crois même qu’il est l’occasion de réarmer la vision écologiste d’un autre projet de société, loin du modèle libéral qui nous est proposé. Cette vision est aux antipodes de celle du localisme du Rassemblement national, tout autant libérale que nourrie d’une vision identitaire et repliée sur elle-même, et pétrie de contradictions quant à la construction de notre avenir économique. C’est pourquoi j’ai décidé d’engager un tour de France. Je souhaite poursuivre ce travail qui se veut être un laboratoire d’idées pour réussir ce pari de la réindustrialisation. Nous ne partons pas d’une feuille blanche ! Car d’ores et déjà, des entrepreneurs, des salariés, des chercheurs, des citoyens et des étudiants – toutes et tous de véritables innovateurs – sont en train de construire des solutions qui préparent cette réindustrialisation réellement verte. »