Ma vie de député
Ma semaine politique
Nous y avons porté de nombreux amendements. Certains ont été rejetés et d’autres ont pu être soumis au vote de l’Assemblée. Nous avons notamment tenté de pousser d’autres mesures de pouvoir d’achat que celles contenues dans le projet de loi voté depuis par l’Assemblée. Sans tous les citer, je peux évoquer la taxe sur les superprofits des grandes entreprises qui ont réalisé des bénéfices avec la crise sanitaire et la guerre en Ukraine.
Cette proposition qui semblait faire un (petit) chemin chez certains député.es de la majorité a été rejetée. Elle aurait évidemment permis d’augmenter les recettes de l’Etat et d’apporter des réponses plus significatives aux difficultés des Français.es. La réponse du gouvernement est profondément idéologique : « vous n’avez que les taxes à l’esprit, vous voulez pénaliser nos entreprises… ». Disons le haut et fort, notre cible n’est pas les PME et PMI, que nous voulions accompagner pour permettre une augmentation des salaires et notamment du SMIC. Au contraire, nous voulions rétablir un peu de justice sociale face aux rentes scandaleuses des entreprises du CAC 40.
S’il y a eu quelques amendements des oppositions qui ont été votés, ils n’ont pas changé profondément le sens de ce PLFR. Certains auraient pu changer la donne mais la fin n’aura pas été à la hauteur de l’espoir suscité par des premiers votes positifs.
Ainsi, un amendement a été voté pour compenser à l’euro près, l’impact de l’augmentation du RSA pour les départements. Bruno Le Maire était furieux, considérant que les départements pouvaient absorber cette hausse. Au-delà des départements la demande était aussi de compenser les augmentations de dépenses d’énergie ou encore celle de l’augmentation de l’indice des fonctionnaires. A contrario, le gouvernement envisage plutôt de réduire les capacités des collectivités et notamment les dotations. Ces dépenses s’imposent aux collectivités et viennent d’abord compromettre leurs capacités à agir.
S’en est suivi une négociation avec les différents groupes de l’Assemblée pour aboutir à un compromis avec le gouvernement. Il proposait 120 millions pour les départements et une enveloppe de 150 millions pour les collectivités (bloc communal) attribuée selon des critères, limitant à 5000 le nombre de communes susceptibles d’être éligibles (sur plus de 35000). Si ce compromis a été obtenu de haute lutte, il ne suffit pas et je pense que les critères auraient dû être différents pour permettre à plus de communes d’en bénéficier, notamment celles ayant consenti d’importants investissements en faveur de la transition écologique et pénalisées sur leur capacité financière. Je pense ici notamment à la ville de Tours. Le texte est parti au Sénat et j’ai alerté mes collègues sénateurs pour qu’ils puissent batailler en ce sens.
Le moment le plus incroyable du vote de ce texte aura été celui concernant un amendement relatif aux retraites. Le député Charles de Courson a proposé un amendement proposant d’augmenter la ligne budgétaire consacrée au budget des retraites de 500 millions. Il dira plus tard que cela été un amendement d’appel, c’est-à-dire un amendement dont on peut penser qu’il n’aboutira pas mais qui permet de mettre la question sur la table. Sauf que celui-ci a été voté !
La joie aura été de courte durée puisque Bruno Le Maire n’en est pas resté là et a demandé une seconde délibération au milieu de la nuit (2 heures du matin) pour supprimer cet amendement. Les arguments étaient ceux de la sobriété budgétaire, la lutte contre les déficits (et pourtant si la taxe sur les super profits avait été votée, la marge était là pour financer ce coup de pouce aux retraites).
S’en est suivi un énorme cafouillage et de nombreux rappels au règlement par différents député.es de l’Assemblée. Le rappel au règlement entraîne une prise de parole prioritaire sur les autres et la confusion régnait y compris dans la lecture du règlement. Pire, le vote en scrutin public (vote électronique en appuyant sur le bouton) a été déclenché dans le brouhaha sans annonces claires du moment du vote. Plus d’un tiers des députés n’ont pas pu voter. Une part des oppositions ont demandé à pouvoir revoter, ce que la Présidence a refusé. Le RN a quitté l’hémicycle. L’ambiance était électrique et au final le texte global a été voté vers 4h15 du matin, avec le sentiment d’une démocratie quelque peu bafouée. Certes les textes permettent cette seconde délibération, certes la Présidente de la séance a lancé le vote dans les règles. Néanmoins, elle l’a fait sans respecter les usages de l’annonce claire du moment du vote. Au final, les Français.e.s auront entendu en début de soirée que les pensions de retraite pouvaient être augmentées pour au final que cela ne soit pas le cas.
Je voudrais également citer un dernier exemple d’amendement voté car il illustre aussi mon positionnement et celui des écologistes sur des mesures de pouvoir d’achat qui doivent répondre aux urgences sociales. Ainsi, un amendement proposé par les Républicains et votés par tous les groupes à l’exception du mien, concernait une aide aux personnes chauffées avec une chaudière à fioul qui voient leur facture exploser. C’est socialement juste mais écologiquement problématique. Nous devrions plutôt financer de manière exceptionnelle le remplacement immédiat de ces chaudières ou assortir cette aide ponctuelle, d’un engagement (financer) de ce remplacement dans les meilleurs délais. Le risque est grand que l’hiver prochain, la situation soit la même et que pendant ce temps les émissions de GES continuent. Précisons que cet amendement faisait probablement parti du deal entre les républicains et la majorité minoritaire pour que le texte soit voté au final. Rappelons aussi que la droite républicaine est aussi majoritaire au Sénat et que les textes lorsqu’ils font la navette peuvent tout à fait être de nouveau modifiés. Et donc, mesurons que pour qu’un amendement arraché à la majorité puisse aller au bout, il faut qu’une seconde délibération ne vienne pas le contester et que le Sénat ne revienne pas dessus. Beaucoup de conditions à réunir donc… Le travail avec les sénateur.trices écologistes et de la gauche en général s’avère donc très important.