Ne faisons pas durer davantage le suspens, et ne boudons pas notre plaisir : la commission des affaires économiques a adopté mercredi 12 février la proposition de loi d’expérimentation vers l’instauration d’une sécurité sociale de l’alimentation. C’est une première marche franchie pour avancer vers une possible généralisation à terme !!
En portant cette proposition, je voulais contribuer à l’émergence de ce sujet au cœur des débats du parlement, le résultat est déjà très positif : une majorité a pu se dégager en commission pour cette belle idée !
Le texte va maintenant être examiné en hémicycle le 20 février, à l’occasion de la niche du groupe Écologiste et Social – une journée annuelle où nous décidons de l’ordre du jour de l’Assemblée. En tant que rapporteur du texte pour le groupe, je mesure le chemin parcouru.
Cette très belle idée a été portée par un collectif d’associations, syndicats et citoyens à qui je rend hommage tant pour la conception de l’idée que pour le chemin parcouru pour la préciser et surtout en défendre les principes fondateurs. Ce collectif national pour une Sécurité Sociale de l’Alimentation a rendu possible ce qui se passe aujourd’hui !
Cela fait longtemps, pour ma part, que je défends cette idée de la Sécurité sociale de l’alimentation, qui est au carrefour de nombreux combats politiques, de la transformation de nos modèles économiques, à l’amélioration des services publics en passant par le renouvellement de nos pratiques démocratiques et la création de nouveaux droits. Mais ce sont les citoyens du Parlement de circonscription que j’ai créé à Tours qui m’ont incité à déposer une proposition de loi. Ils souhaitaient travailler sur la sécurité sociale de l’alimentation, expérimentée à Tours, et leur enthousiasme comme leur travail de fond m’ont incité à m’emparer du sujet à l’assemblée nationale pour voir aboutir, à terme, cette très belle idée qu’est la SSA.
C’est l’ensemble du circuit alimentaire qui peut devenir plus vertueux, respectueux des êtres et de la nature. La SSA vise à permettre, à terme, à chacun.e de choisir son alimentation et d’accéder, sans condition de ressources, à des produits sains et de qualité. En cela, elle s’envisage comme une réponse à la précarité alimentaire. Elle est aussi une réponse à la crise agricole en soutenant un modèle de production agricole respectueux des producteurs et de l’environnement. Elle est aussi et c’est essentiel, une concrétisation d’une véritable démocratie alimentaire : reprendre la main sur notre alimentation, de la fourche à la fourchette. Je vous renvoie à ma dernière note de blog qui décrit le dispositif précis du texte.
Si au niveau international, le droit à l’alimentation est inscrit dans la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et affirmée plus concrètement dans le Pacte pour les Droits Économiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) en avril 2020, aucune traduction n’existe formellement dans notre droit français. Cette SSA marquerait une première marche vers la consécration de ce droit. Ma collègue sénatrice Raymonde Poncet-Monge, a élaboré une proposition de loi constitutionnelle pour inscrire ce droit dans notre constitution. Boris Tavernier, député écologiste ainsi que d’autres députés portent un projet de résolution pour affirmer ce droit. C’est donc une concordance des temps sur un sujet important et pour lequel, les logiques de réparation ne suffisent plus : l’aide alimentaire pour celles et ceux qui ne mangent pas à leur faim, les aides exceptionnelles pour les paysans qui ne vivent pas de leurs métiers ou bien encore les dépenses pour soigner les effets de la malbouffe. Si tout cela va continuer, l’enjeu est bien de s’inscrire demain dans une réponse systémique et structurante face à ces difficultés.
Avant d’avoir le regard tourné vers le passage en séance, jeudi 20 février prochain, je m’attarde un peu sur l’ambiance hier en commission, révélatrice au-delà des termes du débat.
Si le débat était globalement qualitatif avec un vrai consensus sur les constats, les députés du Rassemblement National se sont encore une fois révélés complètement hors-sol. Il faut écouter leurs interventions qui montrent à qui peut encore en douter (et qui ne vivrait que dans une grotte) qu’ils ne travaillent pas. Leur logiciel idéologique xénophobe et autoritaire tient lieu de moule dans lequel ils essayent de tout faire entrer au forceps. A quoi bon travailler quand on a déjà la réponse ? De la même manière qu’une candidate RN s’est rendue célèbre en répondant « immigration » quand on l’interrogeait sur l’inflation, ils abattent leurs cartes-fantasmes avant même de savoir ce qu’il y a sur la table. N’ayant pas lu ma proposition, ils ont plaqué sur le texte leurs obsessions. Ici, ils m’accusent de faire du lobbying pour le bio, la viande cellulaire et les produits étrangers alors que les critères pour le conventionnement des produits et des magasins sont élaborés par les citoyens participant aux caisses alimentaires d’initiative locale.
Moi, bien au contraire de ces positions, je fais confiance aux citoyens participant aux expérimentations qui, lorsqu’ils délibèrent et discutent des produits qu’ils souhaitent voir dans leur assiette, s’orientent vers des aliments bons pour la santé, produits à côté de chez eux. Là, ils étrillent « l’assistanat » alors que l’on est sur une logique de cotisation et pas du tout sur celle d’une distribution de chèques alimentaires. Enfin, il m’accusent de ne pas soutenir l’agriculture française, alors que la sécurité sociale de l’alimentation vise justement à assurer un revenu plus digne à nos agriculteurs en extrayant ces derniers des seules logiques de marché pour vendre directement leurs produits auprès des magasins conventionnés par les expérimentations. Bref, dans leurs interventions laborieuses se manifestent leur mépris pour le sujet de la précarité du monde paysan et des consommateurs, ainsi que leur méconnaissance de ce que nous produisons et consommons. Leur obsession est dans le localisme identitaire et anti-social conjugué aux temps du productivisme et du soutien aux grands groupes agro-industriels. Des temps qui doivent être révolus.
Cette proposition d’expérimentation que j’ai portée aux côtés de 12 camarades du Nouveau Front Populaire comme Boris Tavernier et Marie Pochon (Les Ecologistes), Manon Meunier, Mathilde Hignet et Loic Prud’homme (LFI), Chantal Jourdan, Stéphane Delautrette et Gérard Leseul (PS), Clémentine Autain (l’Après), Elsa Faucillon, Karine Le Bon et Marcellin Nadaud (GDR) et de nombreux autres signataires prend évidemment un chemin opposé à cette impasse. En prônant une voie démocratique, la proposition de loi encourage un cercle vertueux qui part des besoins des Français et pas de ceux des industriels. Là est la voie de l’alimentation de demain.
Mais il faut reconnaître que cette opposition frontale du RN était bien esseulée en commission. Certains se sont abstenus sur le texte, reconnaissant ses mérites et refusant de le bloquer. J’essaierai de convaincre sur la nécessité d’expérimenter plutôt que de condamner l’idée.
Je crois que ce regard positif des oppositions a été rendu possible par le climat apaisé et constructif des discussions, précédées par des auditions de qualité. Peut-être même que l’attitude de votre serviteur, zen et bienveillant, a favorisé cette étape victorieuse 😉
L’avenir du texte va désormais se jouer en séance jeudi prochain. La bataille sera ardue mais rien n’est encore joué. Je compte sur l’union des députés du Nouveau Front Populaire et le soutien des citoyens, des collectifs, qui ont participé à l’élaboration de ce texte depuis le début. Ce genre de dynamique est précieuse car nous avançons nos idées, et nous ne faisons pas que répondre à celles, délétères, des camps d’en face.
Alors avançons, vers l’inscription d’un droit à l’alimentation dans la loi et la mise en place d’une véritable démocratie alimentaire dans nos territoires !