Depuis qu’en novembre 2023, j’ai accueilli dans ma permanence des familles et enfants qui dorment dans la rue, afin de lancer un nouveau cri d’alerte, je suis régulièrement sollicité par les associations de solidarité, notamment celles qui accompagnent les exilé·es. Je me suis déjà rendu à Calais à leur appel, il y a plus d’un an.
J’ai participé avec Elsa FAUCILLON, député de Seine-Saint-Denis, à la mise en place d’une coordination de député.es humanistes, souhaitant faire évoluer les politiques liées à l’exil dans notre pays.
C’est dans ce cadre que nous avons organisé un déplacement à Calais pendant deux jours. Nous avons pu à nouveau faire le constat que la stratégie de l’État, résultant notamment des accords du Touquet, produit une sorte de « désorganisation organisée », plaçant les exilés dans des situations de détresse humaine absolue et générant du ressentiment dans la population locale.
Avec mes collègues Elsa Faucillon, députée des Hauts-de-Seine, Danielle Simonnet, députée de Paris, Paul Christophle, député de la Drôme, Elisa Martin, députée de l’Isère, Léa Balage, députée de Paris, Martine Froger, députée de l’Ariège, nous avons malheureusement mesuré l’évolution dramatique de la gestion de la frontière franco-anglaise.
Depuis les accords du Touquet, la France assure la responsabilité de la gestion de la Frontière qui se trouve donc déplacée sur notre côte. La Grande-Bretagne transfère des moyens à la France pour gérer cette responsabilité. Nous manquons aujourd’hui d’éléments transparents sur l’usage de ces moyens mais visiblement près de 80% de l’enveloppe serait consacré à la logique sécuritaire et par exemple moins de 1% pour les moyens de secours.
Aujourd’hui, hommes, femmes et enfants survivent dans des campements de fortune, soumis à des expulsions incessantes et privés d’un accès digne à l’eau, à l’hygiène et à l’alimentation. Nous avons visité plusieurs lieux de vie à Calais et dans le Dunkerquois, ce qui nous a permis de faire le constat direct de ces conditions indignes. Ces réalités quotidiennes sont contraires aux droits les plus fondamentaux.
Les personnes exilées et des associations présentes nous ont livré des témoignages sur les politiques d’épuisement pratiquées par les forces de police sur place, leur imposant des expulsions toutes les 48h et dans lesquelles les biens personnels sont détruits, les tentes lacérées et gaées. Dans certains cas des personnes exilées sont conduites dans des Centres de rétention administrative (CRA), maintenus dans un état insalubre alors-même qu’elles devraient bénéficier d’une protection.
Cette politique dite de « non-fixation » (qui vise à empêcher que des personnes s’installent durablement à un endroit, pour éviter l’installation de « camp » plus difficile à déloger), fragilise encore d’avantages des vies déjà marquées par l’exil, et pousse vers des traversées en small boat toujours plus au sud du littoral, toujours plus périlleuses.
À Calais et à Grande-Synthe, ce sont de véritables zones de non-droit qui se sont installées, où l’État ne respecte pas les obligations légales qui lui incombent en matière d’hébergement, de santé et de protection.
Les associations que nous avons rencontrées : le Secours Catholique, Utopia 56, Human Rights Observers, ou encore Médecins du monde, sonnent l’alarme. Ils constatent une hausse constante des besoins, et dénoncent une politique qui organise sciemment la précarité en les plaçant en première ligne pour pallier les manquements de l’État.
Nous constatons également que les moyens de secours en mer sont nettement insuffisants et participent aux drames humains qui se jouent trop régulièrement sur la côte. Cette année, le nombre de tentatives de passage a battu un nouveau record avec plus de 29000. La Manche a connu son 513e mort depuis 1999 le 30 août dernier.
Nous avons rencontré Vincent Lagoguey, préfet délégué à la sécurité et à la défense à la Préfecture des Hauts-de-France. Les échanges, bien que cordiaux, n’ont pas abouti à des réponses précises ni à des données chiffrées sur la ventilation des enveloppes budgétaires versées par l’Angleterre à la France, dans le cadre des Accords du Touquet.
Le gouvernement doit entendre ce cri d’alerte et assumer ses obligations : garantir un accès réel à l’eau, à la santé, à l’hébergement et à la protection, mettre fin aux expulsions systématiques et assurer un accueil humain et digne. Il en va de nos principes républicains les plus essentiels.
Elsa Faucillon a déposé et je l’ai cosignée, une proposition de résolution pour une commission d’enquête sur la gestion des accords du Touquet. Celle-ci n’a toujours pas été mise à l’ordre du jour. Nous espérons qu’elle le soit au plus vite tant la situation nous semble critique.
Et ce ne sont pas les accords suivants, celui de Sandhurst en 2018 ou plus récemment la mise en place de la politique du “un pour un”, un accueil en Grande-Bretagne pour un renvoi vers la France, qui règleront les problèmes.
Nous nous battons avec des parlementaires d’horizons différents mais tous sensibles à ces détresses humaines. pour mettre en lumière ces conditions, pour l’abrogation des l’accord du Touquet et pour une autre politique européenne, une politique de l’accueil, humaniste et conforme aux conventions internationales.
Dès l’installation d’un nouveau gouvernement nous déposerons une question écrite afin de clarifier les sommes des accords du Touquet allouées au sauvetage en mer, visiblement insuffisantes sur une frontière meurtrière.
Il nous faut agir en transpartisan pour qu’enfin nous puissions démontrer, que comme la France a su le faire lors de la guerre en Ukraine et en d’autres moments de son histoire, notre pays peut porter une politique d’accueil digne.