Hier, se tenait la niche parlementaire du Groupe Écologiste et Social, une journée où notre groupe fixait l’ordre du jour. Chaque groupe politique dispose d’une seule journée de niche par an où il peut défendre ses propositions de loi. Forcément lorsque l’on porte une proposition de loi, la frustration est grande quand vous ne pouvez à peine présenter votre texte à 23h30, car à minuit le gong retentit et tous les travaux s’arrêtent peu importe où en est rendue l’étude des propositions de loi de la niche.
Je l’ai vécu hier avec la proposition de loi pour la sécurité sociale de l’alimentation que je défendais au nom de toutes celles et ceux qui ont conçu cette si belle idée, et qui la font déjà vivre.
Mais avant cela, notre groupe peut s’enorgueillir d’avoir fait voter deux textes importants dans cette journée. Hier encore, nous avons démontré que la gauche et les écologistes savaient se mobiliser efficacement sur des sujets partagés. Merci à tous les groupes du NFP ! Le premier texte était particulièrement attendu car il est l’aboutissement d’une longue bataille initiée par Nicolas Thierry, Député de Gironde et par des militants écologistes, en particulier l’activiste Camille Etienne : la bataille contre les PFAS, les polluants dits éternels.
J’ai souvent abordé ce sujet et je ne manquerai pas d’y revenir car cette bataille est nationale mais aussi locale. Testé très positivement à plusieurs de ces polluants (et malheureusement en deuxième position sur le podium des députés testés), je m’en suis saisi avec force depuis deux ans dans mon territoire. Lanceur d’alerte local, je continue de pousser acteurs publics et acteurs privés à apporter des réponses. Quand un tel risque pèse sur notre santé et celle de nos écosystèmes, quand des scientifiques nous alertent, ce n’est pas d’en parler qui est un problème mais bien de ne pas agir ou de vouloir taire le sujet. A chaque fois que je me suis exprimé sur ce sujet, je me suis appuyé sur des scientifiques et sur des acteurs qui travaillent sur cette question depuis longtemps. J’ai écrit, il y a plus de 3 semaines au Préfet de mon département car l’Etat doit indiquer les mesures qu’il prend. J’ai également proposé de mobiliser les collectivités territoriales, non parce qu’elles porteraient la responsabilité de ces pollutions, mais parce qu’elles détiennent des compétences clés pour agir. Je propose notamment la création d’un groupe de travail pour coordonner les réponses.
A ce jour je n’ai pas encore obtenu de retour, mais je ne doute pas que cela arrivera. Je continuerai à faire ce que j’estime être mon travail : informer et alerter, contribuer à la loi et exiger la mobilisation de l’Etat.
Et pour la loi, celle portée par Nicolas Thierry et le Groupe Écologiste et Social hier soir, c’est une étape très importante ! En effet, elle a été définitivement adoptée et donc s’appliquera à compter de 2025 ! Signalons d’ailleurs qu’il est rare qu’une proposition de loi puisse aller au bout de son long chemin parlementaire. C’est utile de l’expliquer un peu : une proposition de loi – PPL (initiative d’un ou plusieurs députés ou sénateurs) à la différence d’un projet de loi – PJL (porté par le gouvernement) ne peut bénéficier d’aucune procédure législative accélérée, limitant ce que l’on appelle la navette parlementaire. Une loi pour être adoptée, avant d’être promulguée par le Président de la République (dans un délai de 15 jours même si l’entrée en vigueur peut quant à elle être ultérieure si la loi l’indique), doit être votée dans les mêmes termes par les deux chambres du Parlement, le Sénat et l’Assemblée nationale. C’est cette dernière qui doit avoir le dernier mot. Cela veut donc dire qu’un texte peut continuer la navette s’il n’est pas adopté dans les mêmes termes, c’est-à-dire si des amendements en ont modifié le contenu.
Pour rendre cela le plus lisible, voici des cas de figures possibles :
- Une PPL présentée par un.e ou des sénateur.trices est adoptée, elle part à l’Assemblée nationale. Si celle-ci l’adopte dans les mêmes termes, elle est adoptée définitivement (l’Assemblée a le dernier mot). Si des amendements la modifient à l’Assemblée, alors elle repart au Sénat.
- Une PPL est présentée par un ou des député.es et votée, elle part au Sénat. Qu’elle soit adoptée de manière conforme ou modifiée, elle reviendra à l’Assemblée (qui a le dernier mot). Là, si l’Assemblée l’adopte conformément à la version sortie du Sénat, la PPL est définitivement adoptée. C’est ce qui s’est passé avec le texte PFAS hier ! et c’est une sacrée réussite !
- Si les président.es des deux assemblées le décident conjointement, ils peuvent décider de convoquer une Commission Mixte Paritaire (c’est le 1er Ministre qui en a l’initiative pour un PJL – projet de loi du gouvernement), une sorte de commission de conciliation pour trouver une version commune avant que les deux chambres ne votent définitivement l’adoption du texte. Pour cela, la CMP doit être conclusive, les 7 député.es et 7 sénateurs.trice doivent tomber d’accord sur une version de la PPL. Si elle n’est pas conclusive, elle reprend le chemin de la navette parlementaire.
Ce qui s’est passé hier est rare, et c’est grâce à l’opiniâtreté de Nicolas Thierry et des écologistes dans les deux chambres. Rappelons que cette loi prévoit des interdictions ciblées dans des domaines où des alternatives au PFAS existent, des contrôles systématiques de l’eau et l’application du principe pollueur-payeur pour les rejets à venir de PFAS. Nous passons donc maintenant dans la phase de mise en application et je serai tout aussi mobilisé !
Le deuxième texte qui a été adopté hier (en première lecture, cela veut dire qu’il faut qu’il soit repris par le Sénat) concerne la taxation des très hauts patrimoines à hauteur de 2% sur la globalité de ce patrimoine (celui lié à l’activité économique aussi). Cette taxation, appelée taxe Zucman, du nom de l’économiste qui l’a imaginé, est non seulement une mesure de justice fiscale mais elle pourrait aussi rapporter jusqu’à 25 milliards de recettes par an à l’État. Dans un moment de très fortes tensions budgétaires, c’est aussi une mesure de « justice budgétaire ». Le débat fut long, très long, et notamment en raison de l’obstruction remarquée de plusieurs députés, en premier celle du député de Moselle Di Filipo (Les Républicains) qui été le quasi-seul député des Républicains présent et qui s’est attaqué à tous les textes de notre niche en déposant de nombreux amendements. Non sans humour, après avoir voulu proposer des corrections grammaticales, il a répété à l’envi, beaucoup de questions ne se satisfaisant jamais des réponses. Si parfois, le débat a pu être éclairant, il a le plus souvent servi à gagner du temps et à limiter, selon lui, les dégâts à l’adoption de deux textes (dommage pour le 3ème que je portais 😊).
Les députés Lefèvre (Val de Marne), Labaronne (Indre-et-Loire) et Sitzensthul (Bas-Rhin) d’Ensemble pour la République ont aussi largement contribué à l’enlisement des débats et à réduire la portée de notre niche.
Pour parler de cette taxe Zucman, je crois qu’au-delà de son caractère juste fiscalement parlant, c’est aussi une reconquête d’une bataille culturelle qui me semble avoir été, si ce n’est perdue, largement altérée. Celle du partage des richesses ! Le Macronisme a replacé la réussite économique comme une sorte d’idéal à atteindre (la start’up nation) tout en agissant et en protégeant sans cesse les plus riches. Dans le même temps, le RN et la Droite décomplexée ont aussi mis à l’index les étrangers et les sans-emplois comme les responsables des difficultés de nombreux françaises et français qui travaillent. Plutôt que de réinterroger le partage de la richesse, la justice sociale (par l’impôt, par les salaires, par la solidarité), il est devenu parfois plus simple de taper sur celui dont finalement la place n’a rien de très envieuse. Cette bataille culturelle n’est pas terminée et les débats d’hier qui montraient l’énergie mise pour protéger des ultras-riches qui disposent d’un patrimoine supérieur à 100 millions d’euros, en témoigne. Un grand bravo à Eva Sas et Clémentine Autain, d’avoir mené et gagné cette première bataille. A suivre, nous y reviendrons nécessairement.
Il est alors 23h30 et il ne me reste donc qu’une trentaine de minutes pour présenter la proposition de loi visant l’instauration d’une sécurité sociale de l’alimentation. Le temps de dire combien il s’agit là d’une belle idée politique qui prend racine dans notre histoire sociale et politique, le temps de dire ma fierté d’incarner par ma parole, l’engagement de tant et tant de citoyens, d’associations, de syndicats et d’entreprises qui d’ores et déjà font vivre ces expérimentations de la SSA. Être député, ce n’est pas trouver des réponses aux difficultés du monde, c’est souvent savoir être la chambre d’écho de ce qui se fabrique déjà dans notre société, en réponse aux maux vécus très concrètement au quotidien. Être député, c’est accepter que si rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est arrivée, nos hémicycles sont parfois plus lents à consacrer ces idées. Mais hier, même si la frustration était grande, j’ai le sentiment d’avoir fait œuvre utile en semant de nouveaux cailloux sur le chemin qui mènera à sortir notre alimentation de la seule emprise du marché et à l’élever au rang d’un droit à consacrer. Mon collègue Boris Tavernier, initiateur du réseau Vrac et aujourd’hui député, saura sans nul doute contribuer à l’avènement de ce droit et de ses traductions concrètes.
Pour finir, je voudrais dire à toutes celles et ceux qui ont fondé l’espoir que ce texte soit adopté, toutes celles et ceux avec qui j’ai pu en échanger : citoyens, citoyens-engagés, citoyens-chercheurs, citoyens-mangeurs ou citoyens-élus, que tout continue, les expérimentations comme le cheminement de cette idée puissante. A suivre avec appétit !
Crédit photo : Margot l’Hermite