En 2025, la zone industrielle de Fos-Étang de Berre, à l’Ouest de Marseille, fera l’objet d’un débat public national organisé par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Dans ce port où la désindustrialisation suit son cours, de nombreux projets de décarbonation émergent sans faire toujours l’unanimité. Impatience des uns, inquiétudes des autres… Avec le projet d’installation par RTE d’une ligne très haute tension (THT) – 180 pylônes de 65 mètres parcourant plus de 50 kilomètres sur deux départements entre Fos-sur-Mer et Jonquières-Saint-Vincent,– les dissensions se cristallisent. Pour prendre de la hauteur et choisir une stratégie d’aménagement en toute connaissance de cause, les espaces de dialogue et de concertation proposés par l’État avec les porteurs de projet sont essentiels ! Pourquoi ? En prenant en compte les bienfaits et les conséquences de chaque implantation d’usine, on obtient une vision d’ensemble. Quelles sont les retombées socio-économiques ? Quels sont les impacts majeurs sur l’environnement ? Des alternatives sont-elles possibles ? Lors de cette étape dans les Bouches-du-Rhône en octobre 2024, j’ai rencontré des militants écologistes comme Stéphane Coppey de France Nature Environnement, mais aussi Régis Passerieux, un ancien sous-préfet qui anime des ateliers de réflexion au sein d’un laboratoire territorial dédié au devenir industriel du territoire. Tous sont convaincus de l’intérêt de telles instances de concertation qui permettent aux acteurs de terrain d’exprimer leurs besoins et de mieux se connaître. Parviendront-ils à trouver un consensus entre associations, industriels, collectivités locales mais aussi agriculteurs ? Les enjeux sont importants localement bien-sûr, mais aussi nationalement car ils concernent l’avenir énergétique de notre pays et notre capacité à décider ensemble d’une trajectoire moins carbonée, respectueuse de la biodiversité et de nos paysages.
À suivre !

Stéphane Coppey
Délégué au juridique, aux transports et à la mobilité chez France Nature Environnement Bouches-du-Rhône
“C’est un vrai défi de renouveler l’activité industrielle tout en visant la décarbonation et la préservation des ressources naturelles”
La zone Fos-Berre est un territoire en pleine mutation avec le déclin des industries portuaires traditionnelles et la velléité de certains industriels d’y mener de nouveaux projets. Qu’en pensez-vous ?
Le territoire subit la désindustrialisation depuis pas mal d’années : la faute à la mondialisation et aux coûts de production moins élevés dans d’autres pays du monde. ArcelorMittal annonce des fermetures d’installations partout en France, comme ici à Fos, avec déjà un fourneau à l’arrêt.
C’est un vrai défi de renouveler l’activité industrielle, essentielle pour créer des emplois et ne pas laisser un territoire en déshérence, le voir se vider de ses habitants et de ses activités. Mais il faut le faire intelligemment, en visant la décarbonation de l’industrie et de notre société en général, et en préservant les ressources naturelles. Parmi les projets dans les cartons pour la zone Fos-Berre, certains posent question… par exemple, la production massive d’hydrogène qui demande beaucoup d’eau et d’électricité ! L’impact environnemental de cette énergie est tellement mauvais qu’il nous paraît illusoire d’y voir la solution miracle au réchauffement climatique, même à moyen terme.
Qu’attend France Nature Environnement Bouches-du-Rhône de ces concertations ?
Anticiper une relance de l’activité économique est un souhait partagé par les industriels, les collectivités locales et nous, les associations écologistes. Dans le cadre des échanges au sein du Laboratoire territorial Industrie Fos-Berre, nous essayons depuis 2023 d’avoir une vision globale des conséquences de nouvelles activités industrielles dans cette zone en termes d’emploi, d’accueil des nouveaux salariés, de transport, de logement, de services à la population ou encore de formation … Cette concertation est parfois vue par les collectivités locales ou les industriels comme une contrainte qui fera prendre du retard aux projets qui veulent émerger sur notre territoire. Je pense que ce n’est pas la bonne analyse : il faut savoir prendre le temps pour gagner du temps !
Peut-on évaluer les effets cumulés des différents projets ? Quels seront demain nos besoins en eau, en électricité ? Cette réflexion doit se faire avec toutes les parties prenantes. Les industriels doivent aussi comprendre qu’en embarquant tous les habitants du territoire, on apaise la colère et on gagne leur adhésion. Le débat public organisé par la CNDP en 2025 n’aura qu’un rôle consultatif, mais il aura la vertu de faire dialoguer toutes les parties prenantes, de pointer les forces et les faiblesses de chaque projet. Si le résultat du débat est défavorable à l’un ou l’autre des industriels, ou au projet de ligne THT, chacun devra ensuite se positionner à nouveau.
La ligne à très haute tension est un enjeu crucial au sein de ce débat.
France Nature Environnement Bouches-du-Rhône s’est mobilisé contre le projet de ligne aérienne avec le collectif Stop THT 13/30 qui regroupe 32 associations, des parcs régionaux, des élus, des agriculteurs, et des personnalités du milieu culturel. Nous dénonçons le projet de ligne aérienne à 400 000 volts et de 56 kilomètres qui est proposé aujourd’hui par RTE et qu’on nous présente comme indispensable. Pour ne pas défigurer la Camargue, nous avons démontré qu’une autre solution est possible, certes plus complexe et plus chère, en enfouissant la ligne prévue en bord de Rhône et de canal et en relocalisant une partie de la production d’hydrogène. Il faut accepter de débattre collectivement de la sécurisation du réseau d’électricité de la région. Le Préfet s’est d’ailleurs positionné en ce sens à l’automne. Là encore, nous voulons engager le dialogue, et convaincre qu’il est possible de faire mieux ensemble !